Problème de conscience
Je suis à Varanasi depuis un peu plus de vingt-quatre heures. Je suis allé au bord du Gange voir les gaths tout décrépits et voir les gens se laver et laver leur linge dans l'eau sacrée qui est "sacrement" sale car elle charrie l'érosion de toutes les terres qu'elle vient d'inonder.
Puis je me suis levé à cinq heures du matin pour faire un tour de chaloupe sur le Gange et revoir ce que j'avais vu la veille, plus les foyers où l'on
incinère les morts.
C'est là que j'ai décidé de partir de Vanarasi car j'en suis venu à penser que
voir les gens se laver, laver leur linge sale et incinérer leurs morts n'était pas de mes affaires.
Pour le reste, les rabatteurs sont tellement agressants que je n'ai pas eu le
goût de voir la ville. C'est peut être regrettable, mais des fois trop c'est trop.
Les trois villes saintes que j'ai visitées m'ont fait le même effet à l'arrivée,
que ce soit Rishikesh, Pushkar et Vanarasi. Les deux premières, j'ai pris
le temps d'essayer de comprendre, pas ici.
La mèche plus courte
La traversée rapide de l'Inde, d'ouest en est, en une semaine, a peut-être
provoqué en moi cette irritation envers les rabatteurs qui ne cessent de
te harceler, partout où tu vas.
Les longues journées d'autobus, et deux nuits passées dans le train occasionnent la fatigue. Le manque de sommeil fait que j'ai la mèche un peu plus courte envers ces vendeurs en tous genres.
A six heures du matin tout le monde dort dans le train et quand il arrête à une gare et que commence l'invasion des "pedlers" de thé qui crient "thai" "thai", des vendeurs de bouffe qui crient je ne sais quoi, parce qu'ils parlent en hindi, des vendeurs de cossins pour enfants genre crécelles en bois qui font "knok" "knok", et d'un chanteur Hari Krishna, aveugle, qui aurait dû être muet, t'aurais le goût d'en tuer un (vendeur).
Le monde n'est pas parfait, "pi moé non plus". Et pour te donner bonne conscience d'avoir envie de tuer, tu te dis : ils sont un milliard, alors un de plus ou de moins ? De toute façon ça compte pas vraiment, puisqu'ils ont plusieurs vies ! Et puis tu te dis c'est pas très chrétien de penser ainsi.
Il y a quelqu'un qui a dit : heureux les pauvres et les simples d'esprits car le royaume des cieux est à eux, je ne me souviens pas si c'est Jésus ou Yvon Deschamps en parlant de Jésus.
C'est là, en réfléchissant, que je me suis aperçu que je n'étais pas prêt à aller au ciel. Aux yeux des indiens que je rencontre, je ne suis pas pauvre, et comme ils disent au Lac-Saint-Jean, à mes yeux à moi, penser comme eux, esprit que ça fait simple.
Maudit que la vie est belle
Puis le train repart et tu te rendors.
Quand tu te réveilles, que tu regardes les rizières inondées par la mousson, que tu vois les gens en groupes d'une dizaine ou des fois plus, à travailler, planter le riz, labourer, transporter tout ce dont ils ont besoin pour donner à la terre les bienfaits qu'elle leur rendra à la récolte, tu te
dis :
maudit que la vie est belle salut Péco xxx
Varanasi (Bénarès), 21 juillet 1999.
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