De ce rapide exposé de l’aspect dynamique de la flore du Québec, quelques
conclusions se dégagent, semble-t-il, assez nettement.
Les influences intrinsèques, forces d’évolution ou d’élimination, qui
agissent sur le dynamisme des flores en général, et de la flore du Québec en
particulier, sont fonction de la nature des êtres organisés, et continueront à
s’exercer lentement, mais fatalement, dans le sens du développement et dans le
sens de la régression.
Les influences extrinsèques, qui se
rapportent surtout à l’activité intelligente de l’homme et à ses moyens d’action
sur la nature, augmentent graduellement d’importance, et sont, de leur essence,
plus rapides et plus brutales. Elles tendent à brouiller les flores, à les
amener à un état d’équilibre bien différent de l’équilibre naturel.
Par la destruction des barrières, par la suppression des distances, par
l’activation des transports, qui troublent le balancement millénaire des
éléments de la biosphère, elles tendent à établir sur la planète une certaine
uniformité.
Mais ces facteurs diminueraient graduellement d’intensité dans l’hypothèse de
la destruction de notre civilisation et d’un retour possible à la barbarie ; ils
cesseraient d’agir avec la disparition de l’espèce humaine. L’équilibre ancien
devrait alors se rétablir, à peu de chose près.
Les hordes végétales depuis
longtemps tenues en échec par le labeur humain, les plantes de proie longtemps
traitées en ennemies, s’avanceraient sur nos champs, monteraient à l’assaut de
nos villes, en couvriraient les ruines d’épaisses frondaisons, cependant que sur
les cendres de la grande maison humaine, dans un air devenu plus pur, sur une
terre redevenue silencieuse, brillerait encore, libéré, sauvage et magnifique,
le flambeau de la Vie !
Frère Marie-Victorin (1885-1944)
Flore laurentienne, p. 78.