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3. RÉGION LAURENTIENNEb) Sous-région appalachienne2° District gaspésien Le district gaspésien, tel que défini ici, s'étend depuis la rivière Matapédia et la rivière Matane, vers l'est, jusqu'au finistère du cap Gaspé. C'est une province phytogéographique très naturelle et d'un extrême intérêt biologique. Sa flore, calcicole dans l'ensemble, est un mélange, une juxtaposition plutôt, d'une flore ancienne, datant probablement de la dernière période interglaciaire, et d'une flore jeune et agressive venue du sud sur les dernières marches de la retraite glaciaire. L'étude de la géologie quaternaire a montré que la Gaspésie est, pour une bonne part, un vaste nunatak. La dernière glaciation, celle de la période Wisconsin, semble n'avoir touché ni les hauts plateaux des Chic-Chocs (Shikshoks dans le texte), ni le massif montagneux de Carleton, sur la baie des Chaleurs. Elle semble aussi n'avoir qu'effleuré le côté nord et les vallées depuis Sainte-Anne-des-Monts jusqu'à la rivière aux Renards, ainsi que les vallées tributaires de la baie des Chaleurs, depuis Percé jusqu'à la rivière Petite-Cascapédia inclusivement, -la grande nappe de glace labradorienne s'étant écoulée par la vallée de la Matapédia dans la baie des Chaleurs.
Durant toute la dernière invasion glaciaire, la Gaspésie a donc retenu une partie de la flore qui la couvrait durant la période interglaciaire précédente, flore qui semble avoir été, dans ses grandes lignes, une dépendance ou un prolongement de la flore cordillérienne actuelle. Avec le retour des conditions normales et la poussée d'une flore conquérante venue du sud, les unités spécifiques de la flore ancienne ont été en grande partie éliminées. Il en subsiste néanmoins à notre époque un certain nombre : on les appelle des épibiotes ou des reliques. Le district gaspésien contient plus de deux cents de ces survivants de l'ancienne flore interglaciaire, pratiquement parqués entre la rivière Petite-Cascapédia, Percé, la rivière aux Renards et la rivière Sainte-Anne-des-Monts. Beaucoup d'entre eux ont une aire extrêmement restreinte, et ils sont souvent confinés à une seule falaise, à une seule vallée, parfois même à une seule station de quelques mètres carrés.
Particulièrement importante au point de vue de la flore reliquale interglaciaire est la vaste étendue des Chic-Chocs (Shikshoks dans le texte), chaîne de montagnes se maintenant à l'altitude de 900 à 1300 mètres, et qui forme comme l'épine dorsale de la Gaspésie. Dans cette chaîne, l'étroite vallée de la rivière Sainte-Anne-des-Monts sépare deux massifs célèbres par leurs endémiques et leurs reliques : le mont Jacques-Cartier (Table-top) et le mont Albert. Le mont Jacques-Cartier est plutôt un groupe de montagnes qu'une montagne unique. Il diffère des autres parties de la chaîne des Chic-Chocs (Shikshoks dans le texte) en ce qu'il est le résultat d'une injection batholithique de granit. Le batholithe est disposé transversalement à la chaîne, sur une étendue de huit ou neuf milles de longueur par cinq de largeur. Toute cette étendue, parsemée de petits lacs et d'étangs, est au-dessus de 1000 mètres, et certains dômes de granit atteignent environ 1300 mètres. Le massif a été bien exploré botaniquement, au moins dans ses parties accessibles. Il renferme l'une des plus importantes florules locales du Québec.
Frère Marie-Victorin (1885-1944) |
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